Sans pesticides : des scénarios prospectifs pour 2050

Article rédigé par Florence Rabut, Rédactrice en chef de Végétable, partenaire historique de medFEL

 

Les travaux d’une étude de grande ampleur, coordonnée par l’Inrae, viennent apporter une lecture des chemins possibles d’une transition agricole et alimentaire d’ici à 2050.

Olivier Mora, chercheur à l’Inrae et coordinateur de la prospective.

Une agriculture sans pesticides chimiques* est-elle possible à moyen terme tout en assurant la protection des cultures ? La réponse est globalement « oui », à l’aune des trois scénarios de la prospective « Agriculture européenne sans pesticides chimiques à l’horizon 2050 », orchestrée par l’Inrae. Les travaux viennent d’être publiés, après plus de deux années de recherches, mobilisant 144 experts à l’international. Tous partent de l’hypothèse du sans pesticides chimiques pour l’Europe en 2050, faisant état de leurs impacts négatifs sur l’environnement et la santé humaine « qui sont avérés et bien documentés », selon Olivier Mora, chercheur à l’Inrae et coordinateur de la prospective, et en toile de fond de la difficulté des politiques européennes à progresser vers l’objectif fixé de 50 % de réduction de l’usage des pesticides chimiques d’ici 2030. Chacun de ces scénarios porte une trajectoire de transition et l’illustration concrète en prenant l’exemple de quatre régions européennes, ainsi que l’évaluation quantitative de leurs impacts en Europe. Ils sont graduels, selon leur niveau de rupture et d’impact positif : sans pesticide (hypothèse 1), sans pesticide et régime sain (hypothèse 2), sans pesticide, régime sain et bon pour l’environnement (hypothèse 3).

Le scénario 1 « marché global » est une projection d’une amélioration des chaînes alimentaires actuelles, focalisée en particulier sur les technologies numériques et l’immunité des plantes. Le scénario 2 envisage des chaînes alimentaires européennes basées sur les holobiontes des plantes (c’est-à-dire les associations plantes-micro-organismes), les microbiomes du sol et des aliments pour un régime sain. Le scénario 3 est celui des « paysages emboîtés » : des paysages complexes et diversifiés et des chaînes de valeur régionales pour un système alimentaire « une seule santé » (One Health). Ce dernier vise une transformation de nos systèmes de cultures actuels. « Imaginer des scénarios d’agriculture sans pesticides passe nécessairement par une approche systémique. Chaque scénario combine différentes stratégies, complètement intégrées à un système alimentaire » précise Olivier Mora. Au-delà des récits, les experts ont cherché à répondre à diverses questions de fond : quelle est la faisabilité et surtout comment basculer dans la transition pour atteindre le sans pesticides à 2050 ? Ces scénarios sont-ils compatibles avec la souveraineté alimentaire de l’Europe ? Comment peuvent-ils contribuer au Pacte vert pour l’Europe, c’est-à-dire atteindre la cible de zéro émission nette de GES (gaz à effet de serre) d’ici à 2050 ?

Avec ces scénarios, la production de calories varie de -5 % à +12 %, selon un équilibre alimentaire très différent (plus de produits végétaux dans les S2 et S3, mais moins de fruits et légumes dans le S3 au profit des céréales, légumineuses et huiles végétales). Sur la balance commerciale, globalement l’impact des S2 et S3 donnent à l’Europe une marge de manœuvre pour assurer sa souveraineté alimentaire et être exportatrice. Les trois scénarios permettent de réduire les émissions de GES de -8 % (S1) à -20 % (S2) jusqu’à -37 % (S3). Ils conduisent aussi à augmenter le stock de carbone dans les sols et la biomasse pour contribuer à la neutralité carbone en 2050 (S2 et S3 surtout).

Avec l’étude des cas concrets en Italie, Roumanie, Finlande et France pour établir les trajectoires de transition, il est ressorti que l’ensemble du système alimentaire doit être pris en compte dans cette reconception, en engageant tous les acteurs, du producteur au consommateur, et intégrant les politiques publiques et réglementaires.

Un résumé de 14 pages a été diffusé largement lors d’un colloque de restitution le 21 mars dernier à Paris, pour favoriser l’appropriation des scénarios sur le terrain. Le rapport complet de 500 pages est en cours de finalisation.

* Pesticides de synthèse et autres substances nocives pour l’environnement et la santé comme le cuivre.

Téléchargez la synthèse de 14 pages présentant les enjeux, objectifs, méthode et scénarios, en cliquant ici.

Florence Rabut

Photos jointes : ©FR/végétable

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